lundi 20 juillet 2009

Bon anniversaire le blog




Voilà. Ca fait plus d'un an que j'ai un blog. *je signale au passage qu'une seule personne au monde a pensé à me souhaiter cet anniversaire*
Il y a un an à la même époque, je faisais quoi ?
Je buvais tous les soirs.
Je glandais toute la journée.
Je passais mes nuits dans des troquets improbables.
Je claquais mes faibles économies dans des taxis.
J'étais scotchée à internet.
J'avais plus de mec, j'étais en passe de perdre mon appart (qui allait avec le garçon en question), j'avais aucune perspective professionnelle. Mais j'avais un blog.

Un an plus tard, il serait de bon aloi que je présente un bilan chiffré et diagrammé de l'évolution de ma vie, parce que selon moi la vie n'est pleinement vécue que si on en rentre chaque élément dans des petites cases pour en tirer des courbes et des pourcentages. (Par exemple, franchement, ça sert à quoi de coucher avec des gens si c'est pas pour le plaisir de remplir son tableau de statistiques personnelles ?)

Malheureusement, je n'en ai pas le temps parce que j'ai trop de boulot. Boulots. Ce qui, en soi, constitue un bilan nettement positif. Soyons claires, j'ai envie de bloguer. J'ai juste pas le temps parce que je travaille sur des projets secrets avec des meufs.
Les meufs :



N.B. : J'ai un problème avec le sépia. C'est moche et pourtant, je n'arrive pas à y renoncer.



Je travaille donc comme une forçat même si parfois, je ne le fais pas de chez moi.




Oui, à la plage je fais la gueule. Mais pourquoi ?
Choix multiples :
1°) je suis une authentique parisienne, ma mère m'a appris à porter un regard blasé sur tout ce qui ne peut se situer ni sur la rive gauche ni sur la rive droite.
2°) la veille au soir, j'ai subi 5 heures de délires mystiques sur la fameuse lumière verte qui-nous-guide-dans-la-vie de la part de mon géniteur.
3°) la veille au soir, j'ai récupéré ma belle-mère tremblante qui m'a fait part du léger problème d'alcool et de drogue de mon paternel.
4°) sur la plage, y'a pas internet.
5°) parce que je ne suis pas vraiment à la plage mais au bord des chiottes de la Bretagne.

Vous pouvez faire un test : tout le monde est persuadé d'avoir une famille extra-ordinaire. C'est une loi générale. Mais moi, je vous bats tous à plate couture, parce que j'ai une moitié de famille maudite et l'autre extraordinairement à chier. C'est suite à la lecture de mon autobiographie secrète que Cyrulnik a développé le concept de résilience - je tiens d'ailleurs à préciser que ce concept est tout à fait merdique - il s'en est inspiré pour ses ouvrages :
- Un Merveilleux malheur (éd. Odile Jacob, 1999) devait à l'origine être sous-titré "Naissance de Titiou Lecoq" ,
- Les Vilains petits canards (idem, 2001) "Les Lecoqs, une famille de marginaux dans un quartier cossu ou du désavantage de naître chez les bourges quand on n'a pas une thune",
- Le Murmure des fantômes (2003) "Le père de Titiou Lecoq s'explique enfin",
- Parler d'amour au bord du gouffre (2004) "Titiou Lecoq et Tikka, une relation paradoxale".

Nota bene : je ne réponds plus aux commentaires par manque de temps et pour une raison trop longue à expliquer maintenant. Mais je souhaite un happy aloha à tous les nouveaux lecteurs qui se sont récemment exprimés. Tous les messages du type "je viens de découvrir ton blog et je kiffe tellement grave que ça m'ôte l'appétit, le sommeil et toute vélléité de travail" sont les bienvenus.

dimanche 12 juillet 2009

Last days

Je lève tout de suite un putain de malentendu. D'ailleurs non, c'est même pas un malentendu parce que pour qu'il y ait malentendu, il faut être deux, or nous ne sommes pas deux les enfants. Alors non, je ne suis pas en vacances, en fait je me livre à mon activité favorite : travailler pour ne pas être payée. Un art de vivre. Une philosophie. Un sacerdoce. Une belle enculade. Sachez quand même que j'attends encore les sous d'un travail que j'évoquais là-bas (là-bas, en fait, c'est ici mais c'était pour marquer la distance temporelle et non géographique) du temps où on me faisait prendre le train pour prendre le train - en même temps, présenté comme ça j'eusse dû me douter que c'était une arnaque.
Bref.
Ce soir, mon boîtier Free pour la télé ne fonctionne pas. (Ce qui n'est pas du tout logique puisque c'est celui de l'internet que je shoote trois fois par jour.) Bref, comme je suis convaincue que des messieurs de Free lisent mon blog, je leur demande poliment : qu'est-ce qu'il faut faire ? Auriez-vous l'obligeance de m'envoyer par colis une nouvelle boiboite ? Merci d'avance.
Bref.
Je travaille d'arrache main (nein, je n'écris pas mes articles avec mes pieds). Et qui plus est, cette semaine était ma dernière semaine à le travail qui m'a permis de manger des tortellinis pendant 3 ans et demi. Merci l'Education Nationale, Thanks Leader Price.

Comment s'est passé ce dernier jour ? s'interroge fiévreusement la France entière qui, grâce à un élégant système d'imposition, m'a grassement payé mes trois ans et demis de tortellinis. Comme ça.

8h00 : je suis encore chez moi. Je m'en fous, je suis libre, ils peuvent pas me virer le dernier jour si / puisque je suis en retard. Feel free. Et puis, je suis tellement bien dans mon lit... J'ai rêvé que je devais interviewer Etienne Mougeotte. Mais j'étais en gros stress parce que c'était une itw avec une dizaine de journalistes politiques triés sur le volet, genre entretien du 14 juillet avec le chef de l'Etat. J'étais clairement en situation d'imposture. Michèle Cotta et Apathie étaient dans un escalier en train de plaisanter tranquilles avant qu'on nous fasse entrer. Je jette un discret coup d'oeil à la fiche que Cotta tient à la main et là, stupeur, ses questions sont complètement merdiques, ras des pâquerettes. ce qui implique que les miennes sont éminemment pertinentes ET impertinentes. Conclusion facile : je quitte le lycée et j'ai trop la confiance pour l'année prochaine.

8h12 : Je me lève d'un bond. Non mais là quand même ça le fait pas, y'a tous les nouveaux élèves qui vont défiler aujourd'hui au lycée, il faut que je sois là pour les accueillir. *saloperie de conscience professionnelle*

9h : arrivée au travail. Je m'arrête devant la porte d'entrée. Séquence émotion.

9h08 : je virevolte dans l'intendance comme si j'étais une petite fleur des bois, les bras en arrondis au-dessus de ma tête. Je suis légère, tellement légère. Je fais des sauts qui me maintiennent pendant plusieurs secondes en l'air. Non, encore mieux, je fais des sauts qui suspendent le temps.

10h : J'ai fini d'archiver tous les dossiers de l'année. TOUT VA BIEN, tout est en ordre. Je m'attaque au nettoyage de l'ordinateur - les posts du vendredi ayant été rédigés depuis mon lieu de travail.

10h02 : mon chef me demande de faire des étiquettes avec le noms des élèves de l'année prochaine. Je me tourne vers lui et le fixe d'un oeil résolument vitreux. Il me regarde aussi. J'attends. Rien ne se passe. Il me répète sa demande. Je mesure le vide entre lui et moi. Il n'a toujours pas l'air de comprendre. Outre que "faire les étiquettes" est la chose la plus chiante de toute l'année scolaire, il n'a pas l'air de piger que les-élèves-de-l'année-prochaine, ça ne me regarde pas. Ca, c'est du boulot de pré-rentrée, or je ne ferai pas la pré-rentrée donc non parce qu'à partir de 16h aujourd'hui, je serai libre.

11h21 : j'attrape d'une main ferme le tube de colle UHU, je m'enduis la paume des mains et je les pose contre le mur d'entrée du bureau du CPE. Après mûre réflexion, je ne peux pas arrêter ce travail sinon je vais mourir - de faim, de soif, de froid en hiver - en plus EDF veut une augmentation de 20% du prix de l'énergie est-ce que c'est vraiment le moment de quitter mon taff ?

12h : je fais des recherches sur Google manitou pour avoir une estimation du temps que ça prend pour finir totalement marginalisée sous un pont. [Sous ce pont, je croiserai une femme hirsute à l'air hagard qui m'aggripera le bras pour me dire : "non mais moi je ne suis pas SDF hein, j'ai un appartement rue de Cléry, il est à moi."]

15h45 : je dis aurevoir à tous mes anciens collègues. Je suis mal à l'aise. Ils sont dans la galerie et agitent leurs mains. J'ai l'impression de les abandonner.

16h02 : Je me sens très précisément dans cet état-là :


Sauf qu'en fait je marchais seule dans la rue mais c'est l'état d'esprit qui compte.

Mais avant, j'ai fait le tour de l'établissement pour dire aurevoir aux concepts matérialisés :

Aurevoir le travail



Mais surtout aurevoir la galerie que je traversais pour me rendre à...



la machine à café. Aurevoir toi, je t'ai aimé comme personne ne l'avait jamais fait.



Et aurevoir la barrière où je posais mon cul pour boire ledit café et fumer une clope et téléphoner à des amis pour dire du mal de mon chef.



Je pourrais dire aurevoir la cour mais j'y allais jamais.



BREF AUREVOIR L'EDUCATION NATIONALE



Mais avant ces adieux définitifs, reste à redire une dernière fois du mal de mon supérieur hiérarchique.

Mon chef c'était typiquement le mec qui se dit de gauche mais :
- qui ne peut pas s'empêcher de répéter à tous les noirs qu'il croise combien il adôôre l'Afrique (parce qu'un noir il peut pas être vraiment français, ce qui posait quelques problèmes de communication avec nos élèves noirs qui étaient nés dans le 93). Pour l'anecdote, au début nous avions un noir dans le personnel, le monsieur de la loge. Le chef a jugé de très bon goût de l'appeler "oncle Bens" pendant deux ans. Et puis, est arrivé un second noir. Là, c'était la panique. Quelle blague allait trouver le chef pour être certain de nouer une vraie complicité avec ce noir ? (Oui, parce qu'il est persuadé que le monsieur de la loge était ravi de son surnom.) Il lui a fallu deux jours. Et un matin il est arrivé trépignant d'impatience devant son bon mot, il a attendu l'homme de ménage pour pouvoir lui crier "hey, salut SAV !!" et il s'est retourné vers moi pour me dire "HAHAH, SAV... C'est vrai hein ? Il ressemble beaucoup à Omar hein ?" Bien entendu, la personne en question ne présente aucune ressemblance avec Omar à part sa couleur de peau.
- qui trouve que les femmes sont des êtres d'un romantisme charmant sauf quand elles ont leurs règles ou la ménopause "la prof d'histoire-géo je la trouve un peu agressive avec moi en ce moment... mais bon les femmes de cet âge on sait ce qui les travaille..."
- que les juives sont quand même très envahissantes "tu trouves pas que cette mère d'élève est dans la redondance de l'expression de son judaïsme vis-à-vis de sa fille ?"
- qu'il aimerait bien une petite asiatique comme infirmière pour ses vieux jours parce qu'elles sont douces comme des poupées (phrase prononcée telle quelle)
- que les noires ont quand même de belles formes (il parlait de nos élèves) mais que c'était dommage qu'en général elles soient aussi vulgaires. (Contrairement aux asiatiques qui sont tellement gracieuses mais plus plates.)

Evidemment, je le haïssais. La première année je vomissais toutes les semaines. Ensuite, je suis entrée dans une guerre psychologique avec lui qui consistait à ne plus lui parler, y compris quand il me posait une question directe.
Je n'ai jamais de ma vie détesté quelqu'un avec une telle force sur une aussi longue période.
Vous allez me dire que c'est assez anodin, ça arrive partout. A une différence près. Le problème étant notre configuration de travail :


Le siège le plus haut étant le sien et le plus petit à côté, près de l'ordi, le mien, vous saisissez toute la gageure que représentait un refus total de communication de plusieurs mois. Notre collaboration était lamentable dans la mesure où un élève entrant dans le bureau pour poser une question obtenait une réponse simultanée et opposée de la part des deux fauteuils. Au bout d'un moment, le chef a fini par abandonner et s'est mis à déserter le bureau dès qu'il m'y voyait.


L'ampleur du problème vue sous un autre angle. (Et le fameux tiroir roulant objet de guerre permanente.)

La bête.
Je nourissais donc une haine viscérale et un dégoût physique pour lui. D'après cette photo, on ne comprend pas forcément. Mais ça, c'est ce que voyait la plupart des gens. Mais moi, j'étais obsédée, je scotchais systématiquement sur le détail qui me hérissait. En l'occurence, le jour de cette photo sur ça :


SA MANIERE DE METTRE SES JAMBES suffisait à me donner l'impulsion de lui agrafer l'artère fémorale. (Non, personnellement je ne me définis pas comme un être psychorigide, du tout.)


Sans parler des mouvements de ses mains.

Bilan : Penser que je ne reverrai jamais cet être infâme suffit à éclipser mes craintes de finir sous un pont à me ronger les ongles des doigts de pieds pour me nourrir.

PS : et Margaux, mon élève préférée, a eu son bac exactement le jour de mon départ et j'ai failli pleurer.

dimanche 5 juillet 2009

Amélie Poulain peut aller se coucher


Dans la vie, y'a quelques rares petits trucs qui me procurent un plaisir suffisant pour me maintenir l'envie de sourire. Des actes qui allègent le poids d'une existence privée de toute transcendance, des sortes de doudous existentiels. Sans eux, je sombrerais dans une profonde dépression.

1°) Dormir.
Essentiel. J'adôôre ça. Et je ne vois pas du tout pourquoi je me priverais de ce bonheur simple alors que mon mode de vie précaire et flexible m'autorise à roupiller jusqu'à des heures indues. Pauvre mais reposée - c'est mon slogan. Ainsi, on me demande parfois "mais t'as rien fait hier ? Bah si, j'ai dormi." J'ai un besoin vital de décompresser de votre horrible principe de réalité. Le principe de réalité inclut 4 éléments fondamentaux que je développerai un autre jour mais qui sont en vrac : travailler, communiquer avec d'autres êtres humains - les deux activités pouvant être aussi épuisantes l'une que l'autre - sortir de chez soi, ne pas avoir de pouvoir magique. On peut considérer que, d'une certaine façon, selon certaines normes purement sociétales, je ne suis pas précisément ce qu'on nomme une hyper-active.

2°) Manger des trucs gras.
De la crème fraîche, des lardons (cuits dans la crème fraiche bien sûr), de la reblochonnade, de la sauce béarnaise. Le gras, c'est bon. Un avantage indéniable du gras c'est qu'il se reconnait à sa couleur sans même qu'on ait à goûter. Un truc vert par exemple est rarement un truc gras. Donc rarement un aliment comestible. Le gras se distingue par une large palette de jaune (pouvant tirer jusqu'au rouge). Si ça n'est ni jaune ni rouge, je vous le dis tout de go ça ne se mange pas.

3°) M'oindre de crème.
Aucun rapport avec le gras bien que je me sois déjà ointe d'huile d'olive comestible mais c'est une autre histoire. Ce que je kiffe grave, c'est les vraies crèmes de beauté synthétique, au parfum snthétique, aux bienfaits synthétiques. En est témoine, Julie F. qui à chaque fois qu'elle m'appelle obtient la même réponse peu importe l'heure (midi, 15h, 18h, 23h) "non non, tu me déranges pas, je me mets de la crème". Pour les crèmes, le critère de sélection est assez simple. La couleur n'a rien à y voir. On peut tirer le même plaisir d'une crème blanche comme la neige ou rose malabar. Le plaisir procuré par la crème ne dépend que d'un facteur : son prix. Plus la crème est chère, plus je kiffe.

4°) Boire du thé.
Entendons-nous : du thé chaud. Pas de la merdasse de Ice T. Du vrai thé en vrac qui infuse et qui brûle presque le palais à la première gorgée.

Quel est le point commun entre ces 4 kiffs ?







ILS SONT IMPRATIQUABLES EN PERIODE DE GROSSE CHALEUR et/ou perdent beaucoup de leur charme.
Conséquence 1 : cette semaine j'ai pratiqué une sorte de retraite spirituelle entre mes quatre murs orange puisque sans manger ni dormir et en étant complètement déprimée par ces températures il était donc impossible d'aller à la rencontre du monde extérieur.
Conséquence 2 : à peine trois photos.
Conséquence 3 : j'ai un teint couleur craie alors qu'on dirait que vous revenez tous de trois semaines aux Baléares.



Les hommes de Brain magazine ont des choses à dire.



Enfin... surtout un...


Et ça, c'est juste parce que je passe souvent devant ce bar avec toujours un sourire. Accessoirement, ça vous prouve que cette semaine a été d'une platitude totale y compris absolue.

vendredi 3 juillet 2009

Les animaux, c'est nul comme un vendredi.


En me levant ce matin, j'ai pressenti que j'allais être d'une humeur massacrante. Peut-être rapport au fait de m'extirper du lit à 6h30 du mat pour aller au travail alors que j'ai fait mon pot de départ la veille... Bref, quand je suis chafouine et que ça risque de me bousiller ma journée, j'ai un truc miracle : aller pécho des animaux on the web.  
Holly shit - Sainte Merde, soit je suis de moins en moins sensible aux vidéos d'animaux, soit y'a essoufflement dans la qualité de la production. (Ce qui irait dans le sens de ma théorie selon laquelle internet c'est mort.) 
Evidemment, je ressens quand même un frémissement de bonheur devant le ninja hamster :


Mais je sais pas... Je suis plus à la recherche de freaks je crois. Genre ce truc aux pattes ridiculement disproportionnées, y'en a qui sont pas gâtés quand même.



Bizarrement, cette chose que je devrais trouver trop mignonne selon les règles de la mignonise bah, ça me fait rien du tout. Voire même, si je creuse un peu dans mes pulsions profondes, mon ça me pousserait à la serrer dans mon poing pour sentir ses os craquer.



Et celle-là, allez comprendre par quel dérèglement hormonal, me donne carrément envie de chialer alors que primo, d'ordinaire j'en ai rien à battre des oiseaux, deusio un perroquet qui fait du beat-box c'est quand même pas la chose la plus triste au monde.



Finalement, il n'y a que ça qui a réussi à me dérider un peu.




Comme on est (presque) le 4 juillet, on s'autorise un peu de bon goût.

mercredi 1 juillet 2009

Je lève le mystère

Comme je m'en branle grave la moule de me faire virer maintenant - tant qu'on ne me demande pas de rembourser mes trois ans et demi de salaires mirobolants - parce que je finis mon travaillement alimentaire la semaine prochaine, je vais vous en révéler la nature. Je travaille/travaillais à la vie scolaire d'un lycée professionnel de fils/aiguilles/ciseaux. (Je m'en fiche de me faire virer mais j'ai pas non plus envie de voir débarquer ici des anciennes élèves alors je crypte.) 
Dans l'éducation nationale, l'abréviation LP donne des frissons d'horreur à la plupart des gens. Mais assez vite, il s'est révélé que les élèves n'étaient pas le réel problème de cet établissement. A elles, difficiles d'en vouloir. Quand vous avez 15 ans, que vous voulez faire un CAP coiffure ou petite enfance (ELLES VEULENT TOUTES FAIRE CA, c'est dingue cette génération de coiffeuse/esthéticienne/garde d'enfants) et qu'on vous met en CAP Chleurs nartificielles vous avez des raisons de faire chier. Oui, oui, vous avez bien lu CAP de Chleurs nartificielles (je me dis qu'en rajoutant des lettres ça sortira pas en résultats google, pour ceux qui ne sont pas très forts en rébus, une chleur c'est un truc végétal du type rose ou marguerite et nartificelles c'est quand elles sont fabriquées avec du tissu plutôt qu'avec de la chlorophylle). Comme on me l'a souvent répété durant ces trois années, comme je me surprends à l'ânonner moi-même : "on est le seul établissement en France à préparer cet examen". Tiens, MAIS TU M'ETONNES PARDI. Et vous vous êtes jamais demandés pourquoi ? Peut-être parce que fabriquer des chleurs nartificielles A LA MAIN présente un intérêt scolaire très très limité de nos jours - à moins d'avoir 8 ans, de vivre dans un pays en "voie de développement" et d'avoir à charge une famille de paysans affamés par le gouvernement totalitaire dudit pays. 
La noderie à la limite, je veux bien. (La noderie c'est genre de la dentelle vous voyez.) Parce que oui, mesdames messieurs, on prépare aussi au CAP de noderie. On est comme ça, on est des oufs dans ce lycée, on prend des paris de malade sur l'avenir du textile main. La noderie donc c'est utile pour la haute couture - encore faut-il être une excellente nodeuse. Mais des chleurs... ça serait une formation chleurs couplée avec nouture ou gapeau (=couvre-chef) pourquoi pas. Mais que des foutues chleurs... Et ces gamines passent huit heures par jour à fabriquer des chleurs avec des outils du 19ème siècle. 
Comme on est des sacrés déglingos, on prépare également à un examen de flumes. Et ouais, ça vous en bouche un coin ça ? Ca sert à quoi ? Bah à devenir flumassière évidemment. Un putain de boulot d'avenir. parce que tant qu'il y aura des choiseaux il y aura des flumes. Quand je vous dis que nous, on a tout compris au marché du travail. 
Dans le fond, moi je dis les chleurs nartificielles pourquoi pas. Ca peut être un complément à une formation,  un enseignement en option. Comme le grec ancien quoi. Et puis, il y a des adultes que ça intéresse sûrement. Il y a même des adultes ou semi-jeunes talentueux qui voulaient vraiment venir chez nous apprendre ça, ou un autre des arts qu'on enseigne, et qu'on tèj parce qu'ils sont trop diplômés - dans le système scolaire français il est très mal vu de régresser en terme de diplôme. Par exemple tu prépares pas un CAP après un bac. Même si tu n'as découvert ta vocation de flumassière qu'à 19 ans mais que t'es certaine que là, c'est sûr, c'est le boulot de tes rêves et bin pas de bol, t'oublies ton rêve, l'orientation ça se faisait en 3ème coco. Evidemment, les élèves qui sont affectées chez nous en fin de 3ème, elles sentent direct l'arnaque. En général, elles ont eu le malheur de dire à leur conseillère d'orientation que, à part les cheveux et les nenfants, elles aimaient bien la mode. T'as 14 ans, on te demande ce que t'aimes, tu réponds "bin la mode, les fringues" normal, et zou, direction BEP couvre-chef. 
Je ne remets évidemment pas en cause le talent des profs et le devoir de transmission de leur savoir-faire. Mais il y a un truc de pourri dans le fonctionnement de l'Education Nationale et plus précisément du rectorat de Paris. D'abord, notre section noderie a été pendant plusieurs années une classe "réservée" comprendre réservée au pire. Ce qui faisait qu'à de bonnes élèves qui étaient motivées par la noderie - ça existe - on leur déconseillait de venir chez nous, au risque de 1°) se faire manger par nos monstres 2°) oublier jusqu'à l'existence de la conjugaison des verbes. 
En plus, visiblement, au rectorat, ils croient primo aux races, deusio au déterminisme tercio au déterminisme par la race. C'est comme ça que toutes les élèves chinoises parlant peu ou pas le français se retrouvent chez nous parce que vous comprenez, avec leurs parents enfermés dans des ateliers clandestins du 11ème arrondissement, le textile ça les connait bien.  
Bref notre établissement a connu une dégringolade assez vertigineuse - jusqu'à atteindre une année un magnifique 0% de réussite à l'examen de noderie. Quand on passait dans les couloirs avec meilleur ami, on se croyait en pleine cour des miracles. Heureusement, les deux derniers proviseurs ont décidé de gueuler auprès du rectorat pour qu'ils arrêtent de nous affecter des élèves en dépit du bon sens. 
Le niveau commence donc à remonter petit à petit mais à mon grand désespoir je ne serai pas là l'année prochaine pour assister à ces progrès si émouvants parce que ma vie de pigiste ressemblera évidemment à ça :