Et, miracle, on arrive enfin à l'article du NYT!
Il s'agit de trolling dans la mesure où le mauvais esprit est à son maximum mais un mauvais esprit qui prend des proportions telles qu'on bascule dans ce que certaines âmes appellerait de la méchanceté pure et simple.
Le reportage commence avec l'affaire Mitchel Henderson, un jeune qui s'est suicidé d'une balle dans la tête au printemps 2006. Les trolls de /b/ (une des sections de 4chan - pour résumer on va dire que c'est un forum de geeks) ont trouvé cette histoire très drôle (surtout d'établir une corrélation avec le fait que peu de temps auparavant, Mitchel avait perdu son ipod). Un délire s'ensuit. Mais ce qui aurait pu rester un simple délire pendant une soirée entre potes (jetez-moi la première pierre ceux qui n'ont jamais fait une blague sur le petit Grégory) a pris, via la caisse de résonance que représente le net, des proportions hallucinantes. Feu Mitch est devenu une sorte de star, de running gag des trolls.
De la simple amplification de ce qui se pratiquait auparavant de façon uniquement privée (la fameuse soirée entre potes) on passe à quelque chose qui ressemble à du harcèlement. Certains trolls ont récupéré le numéro de téléphone des parents de Mitch et l'ont balancé sur la toile. Résultat : un an et demi d'appels sur le thème "bonjour, je suis l'i-pod de Mitchell, je veux rentrer à la maison". C'est le principe de la surenchère, de l'effet de groupe - mais à l'échelle d'un groupe de milliers de personnes... La page myspace de feu Mitchel a été hackée, certains poussant la plaisanterie très loin sont allés sur la tombe de Mitch, y ont posé un ipod et ont pris une photo.
Deuxième affaire. En novembre dernier, un fait divers fait scandale. Megan Meier, une gamine de 13 ans, se suicide par pendaison. Une des explications avancées est qu'elle entretenait un flirt sur myspace avec un garçon de son âge qui a fini par la détruire. Or, il se trouve que derrière la page de ce garçon, nul adolescent mais Lori Drew, une respectable mère de famille, plus précisément la maman d'une ancienne amie de Megan qui s'est amusée à manipuler la gamine. Histoire incroyable qui ne pouvait pas échapper aux adeptes d'humour noir. Quelques jours après que le scandale ait éclaté, Fortuny, un célèbre troll, crée un blog dans lequel il crache tout son fiel contre feu Megan en se faisant passer pour Lori Drew. Les plus grandes chaînes d'infos ont discuté l'authenticité de ce blog, et la présentation plus que tendancieuse qui y était faite de Megan, la petite suicidée, a suffisamment été relayée pour déformer la vision qu'on avait de ce fait divers.
Ce qui dérange, au-delà d'une question de bon ou de mauvais goût sur quoi je ne me permettrais pas de trancher, c'est la notion d'acharnement. Quand les trolls s'y mettent, ils peuvent lancer une véritable chasse à l'homme. On "trolle" quelqu'un. Souvent un bloggeur qui exaspère. Les trolls étant de bons pirates, quand ils se fixent sur une victime, ils pratiquent un harcèlement systématique et récupèrent pour les répandre dans la webzone, adresse, numéro de téléphone, numéro de sécu etc...
Ils peuvent également pirater des sites. Mais le terme de trolls est-il encore pertinent ? Il y a certes des piratages malveillants et gratuits comme l'attaque dont a été victime le site de la fondation des Epileptiques, attaque qui a consisté à balancer sur le forum des images flash et des liens vers des animations colorées. Pas très sympa certes, c'est un peu comme faire un croche-pied à un aveugle. Mais d'autres ont choisi comme cible privilégiée l'église de scientologie et foutent régulièrement en l'air son site. Si vous êtes contre la scientologie, vous trouverez peut-être leur action salutaire, c'est une question de convictions personnelles. Vous me direz que la différence majeure est que dans le cas des anti-scientologues, leurs actions ne sont pas gratuites mais portée par un discours politique. Mais il se trouve que des trolls comme Fortuny ou Weev (même si c'est le cas de la minorité) tiennent également un discours pseudo-politique d'extermination des abrutis (à savoir tous les demeurés qui ne travaillent pas sous Linux), leurs connaissances en informatique leur donnant visiblement un sentiment de toute-puissance qui les autorise à décider de l'existence d'autrui.
La différence devient dès lors très difficile à faire entre ce qui est salutaire ou néfaste et n'est plus qu'une question de valeurs subjectives.
Aux Etats-Unis, le problème qui commence à se poser est celui de la répression ou non de ces phénomènes et là, il devient urgent d'établir des règles qui tiennent sur autre chose que des jugements de valeur du type "ça c'est une bonne blague / ça c'est de mauvais goût". La question que pose le journaliste à Fortuny : "Is there anything that can be done on the Internet that shouldn’t be done?” nous ramène à un problème à la fois éthique et légal que pour l'instant la société n'a pas affronté : le web doit-il rester un espace de liberté absolue ? Un encadrement doit-il être mis en place ? Le principe démocratique dans lequel nous vivons veut que ce soit la majorité qui décide de la réponse.
Il est remarquable que cette question soit absolument absente des débats en France où on se limite au seul "problème" du téléchargement (pour des raisons éminemment économiques) alors qu'elle constitue une nouvelle ligne de démarcation politique essentielle.
Il s'agit de trolling dans la mesure où le mauvais esprit est à son maximum mais un mauvais esprit qui prend des proportions telles qu'on bascule dans ce que certaines âmes appellerait de la méchanceté pure et simple.
Le reportage commence avec l'affaire Mitchel Henderson, un jeune qui s'est suicidé d'une balle dans la tête au printemps 2006. Les trolls de /b/ (une des sections de 4chan - pour résumer on va dire que c'est un forum de geeks) ont trouvé cette histoire très drôle (surtout d'établir une corrélation avec le fait que peu de temps auparavant, Mitchel avait perdu son ipod). Un délire s'ensuit. Mais ce qui aurait pu rester un simple délire pendant une soirée entre potes (jetez-moi la première pierre ceux qui n'ont jamais fait une blague sur le petit Grégory) a pris, via la caisse de résonance que représente le net, des proportions hallucinantes. Feu Mitch est devenu une sorte de star, de running gag des trolls.
De la simple amplification de ce qui se pratiquait auparavant de façon uniquement privée (la fameuse soirée entre potes) on passe à quelque chose qui ressemble à du harcèlement. Certains trolls ont récupéré le numéro de téléphone des parents de Mitch et l'ont balancé sur la toile. Résultat : un an et demi d'appels sur le thème "bonjour, je suis l'i-pod de Mitchell, je veux rentrer à la maison". C'est le principe de la surenchère, de l'effet de groupe - mais à l'échelle d'un groupe de milliers de personnes... La page myspace de feu Mitchel a été hackée, certains poussant la plaisanterie très loin sont allés sur la tombe de Mitch, y ont posé un ipod et ont pris une photo.
Deuxième affaire. En novembre dernier, un fait divers fait scandale. Megan Meier, une gamine de 13 ans, se suicide par pendaison. Une des explications avancées est qu'elle entretenait un flirt sur myspace avec un garçon de son âge qui a fini par la détruire. Or, il se trouve que derrière la page de ce garçon, nul adolescent mais Lori Drew, une respectable mère de famille, plus précisément la maman d'une ancienne amie de Megan qui s'est amusée à manipuler la gamine. Histoire incroyable qui ne pouvait pas échapper aux adeptes d'humour noir. Quelques jours après que le scandale ait éclaté, Fortuny, un célèbre troll, crée un blog dans lequel il crache tout son fiel contre feu Megan en se faisant passer pour Lori Drew. Les plus grandes chaînes d'infos ont discuté l'authenticité de ce blog, et la présentation plus que tendancieuse qui y était faite de Megan, la petite suicidée, a suffisamment été relayée pour déformer la vision qu'on avait de ce fait divers.
Ce qui dérange, au-delà d'une question de bon ou de mauvais goût sur quoi je ne me permettrais pas de trancher, c'est la notion d'acharnement. Quand les trolls s'y mettent, ils peuvent lancer une véritable chasse à l'homme. On "trolle" quelqu'un. Souvent un bloggeur qui exaspère. Les trolls étant de bons pirates, quand ils se fixent sur une victime, ils pratiquent un harcèlement systématique et récupèrent pour les répandre dans la webzone, adresse, numéro de téléphone, numéro de sécu etc...
Ils peuvent également pirater des sites. Mais le terme de trolls est-il encore pertinent ? Il y a certes des piratages malveillants et gratuits comme l'attaque dont a été victime le site de la fondation des Epileptiques, attaque qui a consisté à balancer sur le forum des images flash et des liens vers des animations colorées. Pas très sympa certes, c'est un peu comme faire un croche-pied à un aveugle. Mais d'autres ont choisi comme cible privilégiée l'église de scientologie et foutent régulièrement en l'air son site. Si vous êtes contre la scientologie, vous trouverez peut-être leur action salutaire, c'est une question de convictions personnelles. Vous me direz que la différence majeure est que dans le cas des anti-scientologues, leurs actions ne sont pas gratuites mais portée par un discours politique. Mais il se trouve que des trolls comme Fortuny ou Weev (même si c'est le cas de la minorité) tiennent également un discours pseudo-politique d'extermination des abrutis (à savoir tous les demeurés qui ne travaillent pas sous Linux), leurs connaissances en informatique leur donnant visiblement un sentiment de toute-puissance qui les autorise à décider de l'existence d'autrui.
La différence devient dès lors très difficile à faire entre ce qui est salutaire ou néfaste et n'est plus qu'une question de valeurs subjectives.
Aux Etats-Unis, le problème qui commence à se poser est celui de la répression ou non de ces phénomènes et là, il devient urgent d'établir des règles qui tiennent sur autre chose que des jugements de valeur du type "ça c'est une bonne blague / ça c'est de mauvais goût". La question que pose le journaliste à Fortuny : "Is there anything that can be done on the Internet that shouldn’t be done?” nous ramène à un problème à la fois éthique et légal que pour l'instant la société n'a pas affronté : le web doit-il rester un espace de liberté absolue ? Un encadrement doit-il être mis en place ? Le principe démocratique dans lequel nous vivons veut que ce soit la majorité qui décide de la réponse.
Il est remarquable que cette question soit absolument absente des débats en France où on se limite au seul "problème" du téléchargement (pour des raisons éminemment économiques) alors qu'elle constitue une nouvelle ligne de démarcation politique essentielle.
7 commentaires:
Ah ben voilà, un blog sur les jeux vidéos, ça se déchaîne, un blog qui pose de vraies questions, qui assène des vérités qui dérangent, on préfère l'ignorer (tu dis quand j'en fais trop).
L'histoire de la gamine m'avait beaucoup interpellée. Je voulais pomper son histoire. Essayer de comprendre ce qui peut se passer dans le cerveau malade d'une Adulte pour pourrir la vie d'une Enfant.
Ca me fait très peur, ces trolls new look. Insaisissables et drôlement efficaces.
Super article.
La connerie de masse n'est pas un phénomène purement informatique.
Internet est de toutes façons incontrolable. et c'est aussi ce qui fait que c'est interessant en son aspect anarchique.
pour ma part ce sera plutot le developpement des discours qui pourra ou non participer à l'anéantissement du trollisme.(l'existence de ce blog par exemple) En ce sens que, probablement, s'aidant de prismes multipliés l'individu postmoderne pourra alors mieux décider de ne pas nuire à son prochain.
Bien sur cette question du controle n'est pas si simple que ce que j'énonçais précédemment.
Internet est mondial et il n'existe pas de service public à l'échelle mondiale ? si ? les seules instances de controle aujourd'hui sont commanditées par de gros groupes.
Tiens, tu connais déjà certainement, mais au cas où je me suis dit que ça t'intéresserait peut-être, vu que tu te mets à blogger aussi sur le sujet sur des médias moins confidentiels...
http://www.liberation.fr/actualite/sports/jo2008/chroniques_jo/346582.FR.php
les lignes de démarcation entre réalité et Internet sont en jeu, là. Tu as raison de te lancer dans une thèse de doctorat de sémiotique là-dessus.
+++
Bien, mon lien n'a pas fonctionner. Je recommence :
http://www.liberation.fr/actualite/sports/jo2008/chroniques_jo/346582.FR.php
rhaaa,re-pas. j'essaie autrement : http://www.liberation.fr/actualite/sports/jo2008/chroniques_jo/346582.FR.php
ARgeeguegue je jure que je le fais pas exprès d'illustrer ton article sur le trolling par la pratique.
Allez, je saucisonne le lien :
http://www.liberation.fr/actualite/sports/jo2008/
chroniques_jo/346582.FR.php
et je te laisse le soin de raccorder le "chroniques_truc" après le "jo2008".
C'est super intéressant tout ça. Pour moi le troll c'était le mec qui vient pourrir les commentaires d'un blog/un forum, mais c'est vrai que dans ces proportions là, ça devient un probleme beaucoup plus aigu. Je m'étais déjà fait la remarque à propos de photos/vidéos de particuliers qui circulent et qui sont marrantes à la base (aux dépends de la personne en question) puis détournées, etc. : ça échappe à tout controle. Une fois qu'il y a une fuite sur le net, c'est mort. C'est vertigineux.
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