On a beaucoup parlé de l'enquête du Tigre qui a retracé des moments de la vie d'un parfait inconnu en cherchant et recoupant les traces qu'il avait laissées sur internet (encore un sujet que je vais éparpiller sur dix posts, autant vous prévenir).
Mais alors même que le Tigre déclare s'intéresser à "la confusion entre vie privée et vie publique" et à "l'idée qu'on ne fait pas vraiment attention aux informations privées disponibles sur internet, et que, une fois synthétisées, elles prennent un relief inquiétant " la parution de cette enquête a plutôt alimenté la thèse du monstrueux internet qui est comme une pieuvre géante qui pénétrerait dans nos maisons, violerait nos fils, volerait notre fric et surtout enfoncerait ses tentacules dans nos trous de nez pour nous lobotomiser le cerveau et se nourrir de sa substance blanche. Internet EST bodysnatchers. Une entité mystérieuse qui à elle seule serait la plus forte parce que conjuguant :
- le conseil des sages de Sion et leurs protocoles pour conquérir le monde
- les réseaux de pédophiles (notamment toulousains)
- les sections Al-Qaida basées notamment en Seine-Saint-Denis.
Rassurez-vous cependant.
Internet a deux ennemis qui le combattront jusqu'à la mort s'il le faut : la télé et Frédéric Lefebvre.
Parce que rire deux minutes par jour est nécessaire, on se refait un bout de la déclaration du député UMP des Hauts-de-Seine, proche du Président, et pas un genre d'homme à s'emballer pour rien et à faire de la démagogie en jouant sur les pires peurs plutôt que de s'adresser à la rationnalité du citoyen, non, Frédéric, il est au-dessus de ces procédés populistes, démonstration :
"Il aura fallu attendre que des établissements financiers soient en faillite, que la croissance soit au point mort, que des pays soient au bord du gouffre, pour que le monde se réveille et accepte enfin de construire un système régulé au plan international. Faudra-t-il attendre qu’il y ait des dégâts irréparables pour que le monde se décide à réguler Internet ?
L’absence de régulation financière a provoqué des faillites. L’absence de régulation du Net provoque chaque jour des victimes ! Combien faudra-t-il de jeunes filles violées pour que les autorités réagissent ? Combien faudra-t-il de morts suite à l’absorption de faux médicaments ? Combien faudra-t-il d’adolescents manipulés ? Combien faudra-t-il de bombes artisanales explosant aux quatre coins du monde ? Combien faudra-t-il de créateurs ruinés par le pillage de leurs œuvres ?
Il est temps, mes chers collègues, que se réunisse un G20 du Net qui décide de réguler ce mode de communication moderne envahi par toutes les mafias du monde.
[...] La mafia s'est toujours développée là ou l'État était absent ; de même, les trafiquants d'armes, de médicaments ou d'objets volés et les proxénètes ont trouvé refuge sur Internet, et les psychopathes, les violeurs, les racistes et les voleurs y ont fait leur nid."
L'échange à l'Assemblée Nationale est à lire en entier ICI.
On notera que Fredo a potassé son Zola, et connait le pouvoir d'une anaphore bien placée ("combien faudra-t-il" x5). Il connait surtout la valeur d'un sophisme. Et moi, personnellement, j'adore reconstruire les sophismes sous-jacents aux argumentations foireuses. Là, il s'agit plus précisément d'un enthymème (c'est-à-dire qu'une des prémisses n'est en réalité qu'un préjugé couramment répandu).
Prémisse majeure : le système économique mondial est le théâtre d'excès dont la société est victime (vrai)
Prémisse mineure : internet est le théâtre d'excès dont la société est victime (= préjugé courant sur la dangerosité du net)
Conclusion : internet et l'économie mondiale libérale suivent le même régime, ce qui est bon pour l'un est donc forcément bon pour l'autre. (comprendre régulons l'un et l'autre)
En rhétorique, l'enthymème, bien que fort efficace, c'est un peu le sophisme du pauvre, une suite d'impressions mises bout à bout pour faire croire à une logique implacable là où tout n'est qu'amalgame boiteux.
A ce rythme, je me demande combien je peux mettre de posts pour arriver à mon sujet.
Et puis, comme il fallait une photo, bah voilà :
17 commentaires:
combien de posts sur g&g avant que l'état ne se décide à venir réguler cette anarchie incontrôlable?
Enthymeme... ca clashe :-)
Mais bon, meme si FL n'a pas les discours de sa fin, l'algébrique est quand meme tout simple... dans ses pensées !
Gouverner c'est controler... et une espace dérégulé constitue un risque qu'on ne doit prendre que si les benefices attendus sont supérieurs aux périls escomptables !
Ouvrez le bal des démonstrations.
Follow-China ^^
Ouais...
- D'accord avec la rhétorique pitoyable de la peur, qui est devenue indissociable de la communication de ce gouvernement
- Pas d'accord avec le sophisme. Sa conclusion n'est pas: il faut réguler internet de la même façon que le système bancaire (en, par exemple et je dis n'importe quoi, demandant aux FAI de transmettre l'IP de leur utilisateur de la même façon que l'on demande aux banques de ne pas avoir de comptes secrets). Là, il utilise juste le système économique mondial comme exemple, une sorte d'intro quoi.
Lefebvre est suffisamment critiquable par ailleurs pour ne pas avoir à critiquer exclusivement son éloquence
Tiens, je sens que je vais encore me faire défoncer moi...
J'ai cru que à partir de "L’absence de régulation financière a provoqué des faillites" ce n'était plus Lefèbvre qui parlait mais toi, sur un mode ironique !
Tu sais à quel point je surkiffe Frédo. Merci, vraiment
Inge
Je l'aime bien ton Fredo, t'es pas charitable...
Je le kiffe pas autant que Nadine (qui s'est ramollie ces derniers temps semble-t-il) mais je l'aime bien.
Ses intervention sont toujours percutantes.
Fredo sait donner de la persepctive aux problèmes qu'il aborde. Et puis, il a le sens de la formule.
Je ne rate jamais ses apparitions à La Matinale de C+ dont il est un on client.
L'ami Fredo est plus efficace que l'ami Ricoré je trouve (si ça se trouve, il en boit)
Et le soir, je m'endors plus tranquille en sachant que, dans la nuit, Fredo veille sur nous
ahah, moi c'est le mot "réguler" qui m'intéresse.
je le préfère d'ailleurs à moraliser. sarko il pourrait dire ça "il faut moraliser internet". et là on rigolerait. quand c'est le système financier ça paraît raisonnable comme proposition.
donc, in fine, prendre internet comme exemple pour pas dire des conneries sur le système financier serait pour le coup assez pédagogique.
(je crois pas avoir défendu Freddy la malice, là. si ?)
oui il faut réguler. http://tumourrasmoinsbete.blogspot.com/2008/10/mardi-cest-sexologie.html
L'imputrescible Secrétariat d'Etat à la Famille (brrr...) communique d'ailleurs à ce sujet avec une finesse lefebvrienne :
http://fr.youtube.com/watch?v=cE6fQwWggVM
J'aime beaucoup le pédophile et son allusion au lapin ; on voit bien que ces gens-là ne sont pas sérieux et gagneraient à fréquenter davantage d'amateurs de petites filles aux métaphores mieux tournées (Carroll, Duvert, Gide, Nabokov, y'a le choix)
Si j'ai encore le droit de bénéficier de ton espace de liberté sans me faire censurer par la grande adepte de la non-régulation...
1) Ça fait plaisir que tu t'en prennes à Lefebvre, je trouve qu'il mériterait de se faire allumer plus souvent, ce minable larbin me répugne. Difficile de trouver second couteau plus caricatural.
2) Peut-être pourrait-on être en désaccord avec toi sur les dangers d'Internet, qui ne sont pas que supposés comme tu sembles le sous-entendre. Tu vas probablement me répondre qu'ils ne sont qu'un medium, reflet de notre monde etc... mais c'est un sacré "facilitateur", pour la ménagère comme pour le pédophile et le terroriste. Je ne trouve donc pas ton analyse rhétorique entièrement convaincante.
3) Je ne résiste pas à la provocation: on vire ultra-libérale? Anti-régulation par principe? Réguler certains excès dommageables, même ceux portés par Internet n'est pas, a priori, inacceptable et pas forcément anti-démocratique.
Si l'on prend (et déforme probablement) ta vision dans l'autre sens, on pourrait arguer que la crise financière, ça ne "tue" pas directement (si ce n'est des banquiers suicidaires)et que le secteur financier suscite beaucoup de fantasmes sur lesquels nombre de populistes jouent. Les banquiers sont une cible aussi facile que les pédophiles et les terroristes (voire davantage? peu importe)... Mais si tel est le cas, pourquoi réguler la "sphère" financière plutôt qu'Internet?
Enfin, la "régulation" se veut moins contraignante et d'une certaine façon plus participative que la loi: elle implique l'idée d'une boucle et d'un "feedback" permettant l'adaptation de la régulation aux comportements et aux requêtes des régulés. C'est donc un concept lâche, et d'inspiration proprement libérale.
Pour un populiste, Lefebvre est donc du genre mou-mou qui veut continuer à laisser ses potes surfer et gagner de l'argent. Tranquillement.
Même pas un vrai réac!
Y avait qui ce matin sur Canal+ ?
....
Et ouais !
titiou dans un virage ultra libéral. C'est donc un post Yeah ! mais pas assez je crois pas vu le (vrai) de sa premisse 1.
Oui normalement, le marché s'autorégule (genre autofeedback -> suicide de financier)?
hum, la régulation comme concept libéral...
l'idée de feedback c'est l'idée d'une adaptation de la règles à l'évolution du système.
ça s'oppose à auto-régulation et à dérégulation.
pour ceux que ça intéresse, Jean-Luc Gréau avait prédit la crise de manière extrêmement détaillée.
e capitalisme malade de sa finance, son bouquin, dâte de... 1998.
pas mal, non ?
Merci de ne pas m'avoir censuré, je préfère nettement me faire allumer par les formidables lecteurs de G&G!
Moi je voulais juste rappeler, histoire de faire redescendre le débat, qu'on est vendredi, hein et que le vendredi, c'est sexe. Alors vendredi dernier j'ai rien dit, mais là... je voulais juste faire un rappel. Parce qu'il y a des gens qui suivent quand même...
excellent article.
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